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editions la table ronde - Page 2

  • Le Sixième ciel de L.P. Hartley

    Le Sixième ciel

    Eustache et Hilda II

    de

    L.P. Harltley

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    "J'ignorais que tu avais une sœur, Eustache.

    -Ah bon? A vrai dire, j'en ai deux.

    -Veux tu m'en parler?

    Eustache Herrington hésita. Stephen Hilliard était un ami d'une assez récente date."

     

    Après la Crevette et l'anémone, revoilà Eustache et Hilda pour un deuxième volet.

    Nous les retrouvons dans leur vingtaine, après le fracas de la Grande Guerre.

    Eustache est désormais étudiant à Oxford, après avoir obtenu une bourse.
    Et Hilda dirige une clinique où elle s'investit énormément.

    A la faveur d'un dîner, Eustache revoit Dick Staveley qui le convie ainsi qu'Hilda à Anchorstone pour un week-end en juin. L'occasion de retrouvailles avec les plages de leur enfance.
    L'occasion surtout de se confronter à une société différente.

    Je gardais un très beau souvenir de ma découverte du premier opus au printemps dernier. Aussi, j'ai été ravie de me replonger dans les nouvelles aventures de ces deux héros, toujours en compagnie de ma chère Cécile. 

    J'ai tout de suite apprécié le choix de ce saut dans le temps opéré par LP Hartley. Un choix qui se révèle habilement maîtrisé car, par le biais d'un échange inaugural entre Eustache et un comparse, tous les événements précédents nous sont résumés.

    Puis, l'action prend son envol. Une action dominée par le flux de conscience d'Eustache. En effet, entre chaque scène d'importance, surgit ce discours interne de notre héros. En proie à bien des dilemmes face à un océan de sensations qui l'assaillent. En proie aussi à un sentiment de flottement comme s'il n'appartenait pas pleinement à ce monde dans lequel il évolue. En proie finalement à bien des cauchemars. Des cauchemars qui donnent des clés de son avenir.

    Il y a un côté proustien dans cet Eustache adulte, dans les cercles qu'il dépeint et dans Hilda, cette sœur qui ne cesse de lui échapper. Un hommage d'ailleurs souligné par l'étude même de l'œuvre de Marcel Proust dans le cadre de son cursus à Oxford.

    Finalement, le seul bémol que je pourrais émettre concerne le découpage même de l'intrigue. Ce côté resserré sur quelques mois qui contraste face aux nombreuses pages autour d'un seul week-end, certes révélateur à bien des égards.

    Mais malgré cette légère réserve, je ne peux que souligner le talent de cet auteur à cerner tous les oscillements d'un être et à créer une galerie de protagonistes incarnés et marquants.

    Bref, vous l'aurez compris : une série que je vous recommande et dont j'attends avec impatience la suite.

    Traduit de l'anglais par Lisa Rosenbaum. 
     
    Editions La Table Ronde, Quai Voltaire, 2021, 294 pages
  • A rude épreuve d'Elizabeth Jane Howard

    A rude épreuve

    de

    Elizabeth Jane Howard

    ARUDEEPREUVE.jpg

    "Septembre 1939,

     

    Quelqu'un avait éteint la TSF et, bien que la pièce fut pleine de monde, il régnait un silence tel que Polly sentit, et entendit presque, son cœur tambouriner. Tant que personne ne parlait, que personne ne bougeait, la paix se prolongeait encore un peu...."

    Au mois de mars, j'avais fait la connaissance des Cazalets. Pendant une semaine, j'avais bu de nombreuses tasses de thé, partagé de multiples dîners, profité même d'une excursion à la mer en leur compagnie. Et je gardais un très beau souvenir de cette lecture.

    Aussi, j'ai été ravie de les retrouver dans le deuxième tome de cette saga.

    Cette fois-ci, la guerre est bien là. Même si elle paraît lointaine dans un premier temps, elle va très vite impacter le quotidien de la famille.

    Comme pour le précédent opus, Elizabeth Jane Howard parvient à ressusciter tout le contexte de l'époque. L'attente des bulletins d'information à la radio. Les discussions sans fin sur les avancées ou les reculs. Le rationnement. Les départs dans l'armée. Les bombardements. Les avions abattus. Dunkerque. Les hôpitaux de convalescence. L'espoir comme unique recours pour ne pas sombrer dans des abymes de douleur.

    1940/1941: années charnière de la Deuxième Guerre Mondiale.

    Années charnière aussi pour de nombreux membres de la famille des Cazalets. A commencer par les adolescents devenus grands. Louise et ses rêves de théâtre. Clary et sa manière de regarder le monde comme une gigantesque boîte à outils d'écrivain. Polly. Si attachante Polly qui entend faire le bien autour d'elle. Christopher et son pacifisme à contre-courant. Ils évoluent, espèrent, font des rencontres, peuvent être brisés.

    A l'image de la génération d'avant. Elle aussi en pleine mutation. Mise à l'épreuve tant par les tragédies de l'histoire que par les tragédies de l'intime. Qui poussent à se redéfinir.

    De nouveaux protagonistes font leur apparition. Michael. Stella. Archie. Autant d'ajouts dont l'impact va se ressentir de plus en plus. Comme nous le laisse deviner l'autrice.

    Une autrice qui réussit encore le pari, selon moi, de mettre en avant chacun de ses êtres de papier. Même les plus secondaires. Par un entrechevetrement de parties consacrées plutôt à l'un d'entre eux et des parties plus chorales. Où les transitions entre chacun se révèlent toujours aussi fluides.

    Bref, vous l'aurez compris : je demeure toujours aussi conquise par cette saga familale. Et j'ai hâte de les retrouver en mars 2021.

    Editions la Table ronde, 2020, 571 pages

  • La Brodeuse de Winchester de Tracy Chevalier

    La Brodeuse de Winchester

    de

    Tracy Chevalier

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    ""Chut!"

    Violet Speedewell plissa le front. On n'avait pas à lui faire chut; elle n'avait rien dit."

    1932, Winchester, Violet, 38 ans, vient de décider de prendre son envol. Loin de la maison familiale où elle subissait la loi de sa mère. Loin des fantômes de ceux morts à la guerre. Cortège qui ne cessait de la hanter.

    Mais elle peine à trouver sa place. Dans une société où sa position de vieille fille la relègue dans un coin et la condamne à trouver plus tard un refuge de vieillesse auprès des siens.

    Lors de ses déambulations dans cette ville nouvelle, ses pas l'attirent vers la cathédrale. Ombre tutélaire qui invite au refuge. Elle assiste ainsi un jour par hasard à un office particulier. Un office qui lui donne envie de découvrir le cercle des brodeuses. Elle est bien loin de se douter que ce choix va ainsi modifier le cours de son destin.

    Même si je n'ai pas lu encore tous ses romans, j'aime la plume de Tracy Chevalier. Sa manière de mettre en scène des portraits de femmes. Sa manière de nous faire voyager dans l'histoire.

    Ici, elle nous convie à un périple dans l'Angleterre du début des années 30. Le pays porte encore les ravages de la Grande Guerre. Avec comme conséquence notamment ces femmes qui sont contraintes au célibat après tous ces hommes morts aux combat.

    Violet fait partie de ces dernières. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'autrice la décrit et dépeint sa situation. Contrainte à tout restreindre, à se soumettre aux désirs de sa famille, à s'oublier, elle évolue sous nos yeux vers une forme de liberté. Tout comme certaines amies de son cercle. Incarnations comme elle des visages multiples des femmes de cette époque entre tradition et modernité.

    A ces trames individuelles se noue une dimension collective. A la fois grâce à la cathédrale, personnifiée et à ces élans de groupe comme lors des cérémonies de cloches.

    Autour des femmes, se dessinent des figures d'homme. Tantôt protecteurs, tantôt démunis, tantôt menaçants, tantôt conservateurs, ils offrent des contrepoints différents et obligent les femmes à un positionnement. Comme autant de déclics sur leurs parcours.

    Certains protagonistes se démarquent. Gilda, Miss Peisel, Arthur...Mais j'ai trouvé la galerie de ceux qui évoluent autour de Violet et la relient à un ensemble, en général bien campée.

    Un des autres atouts réside dans le contexte. Contexte sociétal. Contexte politique avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Et puis, ce cercle qui a réellement existé. Cette idée de refuge créatif, ancré dans une pratique séculaire.

    Bref, vous l'aurez compris: une belle expérience de lecture pour moi. Et je tiens à souligner le travail sur la couverture avec ce fil comme brodé sur le bleu.

    Editions la Table ronde, traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff, 2020, 349 pages